L’homme désaccordé…. Venise

Carnaval de Venise ....

Venise est un masque. Se cachant derrière un passé qui ne respire plus, on vient de toutes parts pour saisir un instant  du souvenir d’antan. Avec ses expéditions, ses conquêtes, elle a pu offrir au monde rationnel, la sensibilité qui lui manquait.  La cuisine de la terre française s’enrichissait de délicatesse par la vertu de goûts et d’herbes venus d’ailleurs. La Chine faisait connaître  les pâtes  à l’Italie et la Perse  décidait  de souffler certains  secrets de la fabrication  du verre à Murano.  Les étoffes se paraient  désormais de somptueux motif du Cachemire jusque-là inconnus. Cette opulence grandiose engendrera un mécénat de la musique, des arts et des lettres. Les peintres les plus célèbres  et les virtuoses  de tous  horizons,  invités à œuvrer  dans  la cité  magique,  surent  s’inspirer des mille et un parfums d’Orient portés par la Sérénissime. La route des épices et de la soie ainsi que les croisades ont permis de construire  un trésor qui brille encore de nos jours comme un tableau  de maître de l’époque.

Ici, le Carnaval ne se produit pas qu’en février. Sa présence  envahit la ville chaque  jour de l’année qui s’écoule hors du temps. Construite  sur pilotis, elle ne pouvait être qu’imaginaire. Le sol se mouvra toujours sous  nos  pieds.  Si  les eaux  se  mirent  à  l’attaquer depuis sa naissance, c’est peut-être  que les hommes avaient surestimé leurs ambitions. Isolée depuis sa création, construite sur la lagune, terre sans vie, sans verdure et sans arbres, elle reste une princesse à part égarée dans la grandeur de son passé, gardant sa luminosité  pour  nous  apporter  le courage  de  vivre encore avec une mémoire certaine.

Le masque vénitien nous permet de faire une escapade  au  plus  profond  de notre  intimité, éloigné de tous nos soucis et contraintes diverses, nous obligeant à nous retrouver  dans la solitude face à nous-même. Dans  la cité des Doges,  la vie semble s’être arrêtée pour un moment éternel posé sur du sable mouvant et cela nous  aide à nous  évader  davantage  pour  nous rappeler  aux ordres  de la conscience et de la réalité actuelles.

Elle perdit son prestige après la conquête des Amériques. Jadis, le commerce du monde passait par la Sérénissime. Les États-Unis  représentent  aujourd’hui la Venise moderne avec ce même pouvoir exubérant. Qu’elle puisse encore leur servir d’exemple. De plus en plus en retrait des autres pays pour son esprit de domination, la nouvelle puissance commence à se diriger vers le même destin. Qui gérera l’ordre mondial ensuite ? Il faut penser à l’endroit le plus éloigné de Venise en empruntant  la route de la soie. La Chine sortant  de l’idéologie communiste  recommence  à se réveiller, à l’identique de ses souvenirs lointains, qui lui permettent  de retrouver  sa grandeur  passée.

La cité des Doges  ressemble  à une  belle boîte à bijoux, somptueusement décorée mais dont l’intérieur est vide. À l’époque, les nobles vénitiens avaient osé prendre  un peu de l’essence de toutes les religions et c’est de ce mélange qu’est née la basilique Saint-Marc. Ni romaine, ni orthodoxe, ni orientale mais vénitienne, le vœu de marquer sa différence avait été exaucé. Mais la lumière divine ne pourra  jamais imprégner avec plénitude un lieu qui n’est qu’une copie de ce que d’autres ont su bâtir  petit à petit, générations  après générations, avec des fondations solides, ainsi que de profondes racines, pour tendre à s’élever vers le Père. Les doges n’étaient donc pas dignes d’être des rois et la première des républiques  laïques, avant-garde  sur le fil du temps, s’est évaporée dans la brume de ce lieu.

Les sociétés du présent  devraient  méditer sur ces faits. Un jour viendra où quelques hommes de connaissance, médiateurs entre ciel et terre, retrouveront  une juste place pour  guider  les peuples  qui se perdent.  C’est à cette condition que le monde pourra retrouver  dans la justesse, le meilleur des chemins.

 

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